top of page

C’est à propos d’un éparpillement identitaire que l’on reconstruit, en cherchant hors de soi, hors-de-ville. Par des voyages en ce que l'on nomme le pays, j'emprunte les identités qui me plaisent pendant un temps: auto-stoppeur ou gardien de phare, cinéaste ou aubergiste. Je filme et photographie les territoires qui me sont lointains, leurs paysages, leurs industries. J’enregistre les sons du quotidien dans la solitude de celui qui n’est pas chez lui. Il s'agit de connaître et de comprendre le territoire dans sa grandeur, sa beauté, sa fragilité, en tenant compte de la diversité, des différences de perceptions qui marquent ceux et celles qui l'habitent outre frontières. ​C'est témoigner d'un continent qui sait me rendre étranger dans ma langue, par la distance territoriale et culturelle qui frappe celui ou celle qui marche loin et découvre dans le silence une idée du soi flottant sur les berges des îles du nord, ou déterré du fond des mines.  


"De la mer" pour mon amour de l'estuaire et du golfe du Saint-Laurent desquels je me sens tributaire d'une culture non pas québécoise, mais d'une idée de l'identité qui se lit géographiquement, par rapport à une situation pré-nordique, fluviale, et nomade autant que soit. "De la mer", c'est le récit initial de la colonisation par l'homme blanc, identité préséante à l'urbanité, à la distinction faite entre francophone, anglophone et espagnols; les colons venaient de la mer avant de venir de la ville. "De l'Amer" pour l'amertume de ma génération qui dit "fuck toute" en réponse à l'étau carriériste qui se referme en avant, désillusionnés sur le tard face à un monde réel qui ne correspond pas aux promesses de bienveillance que l'on nous a inculquées face à la protection de ce territoire, face au partage inter-générationnel. C'est un continent où chacun semble y tracer un sillon fantomatique au cours d'une vie à laquelle l'on ne s'attarde désormais qu'au soi matériel et claniste, participant à une polarisation de plus en plus acerbe et toxique au développement d'une cohabitation paisible et engagée. Amertume de réaliser que l'éducation que l'on nous a fournie ignorait les tendances ségrégationnistes de la part  de l'État envers les premières nations et la nation Inuit, ce même État qui prétend à nous représenter. Je tente de comprendre la position de chacun(e)s dans les situations de polarisation politiques, territoriales, bien que je m'oppose à toute exploitation coloniale. Il faut rendre compte d'un trajet qu'empruntent les biens issues des industries éparses, prendre conscience de la fragilité du territoire, aussi vaste soit-il. Sortir d'un confort théorique pour aller constater la destruction à même la roche et la mer, découvrir une autre Histoire coloniale que l'on ne nous a pas enseignée. C’est un moyen comme un autre de raconter des histoires, une histoire commune de la destruction à découvrir au fur et à mesure qu’on en connait la suite; un témoignage, un document sonore, une musique, une photographie paliant à une ignorance entretenue par l'État. Émerge ainsi une poésie à saisir par celui ou celle qui aspire à mesurer l'ampleur d'une telle richesse à défendre.

Biographie.

Tom Demers est un photographe, vidéaste et artiste sonore. Au fil des ans, il dresse un portrait poétique du paysage industriel, touristique et naturel du Québec, notamment par divers séjours d'immersions durant lesquels il adopte temporairement des identités d'aubergiste ou de gardien de phare. Ces postes hors du temps, qu'il occupe sous son alter-ego Tom Delamer lui permettent d'avoir des accès privilégiés au territoire et de ses habitants desquels il puise son inspiration. De 2015 à 2018 il a ainsi été gardien de phare à trois reprises, lors de séjours de plusieurs mois sur deux iles du golfe du Saint-Laurent (Île aux Perroquets et Île d'Anticosti). Ces séjours nourrissent sa réflexion sur l'acte de s'isoler, ainsi que la façon qu'ont les canadiens-nes d'habiter un territoire gigantesque.

Tom Demers est aussi Co-Fondateur de Résidence Nomade, organisme culturel ayant pour but de créer des ponts culturels avec les régions éloignés en développant un réseaux de parcours de résidences de créations de Charlevoix à l'île d'Anticosti pour artistes de la relève ou établis. Il occupe le poste de coordination générale pour Panache Art Actuel à Sept-Iles, responsable de l'organisation de "La virée de la Culture", consistant à des expositions itinérantes se déroulant dans sept villes et villages, de Fermont à Natashquan. 

bottom of page